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L’ARC peut-elle saisir le produit d’une assurance vie pour régler les dettes fiscales?

Le nom « Agence du revenu du Canada (ARC) » nous rend tous un peu nerveux lorsqu’il est question de dettes et de recouvrement de l’impôt, d’autant plus que cet organisme détient certains pouvoirs en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour recouvrer l’impôt exigible sur des biens qui ont été transférés à une personne ayant un lien de dépendance, comme un conjoint, un enfant, un frère ou une sœur. Lorsque cela s’applique, le bénéficiaire du bien devient responsable des dettes fiscales du défunt jusqu’à concurrence de la juste valeur marchande du bien transféré.

Bien que cette règle relative à la responsabilité ait été contestée à de nombreuses reprises, l’ARC tente toujours de l’appliquer, comme elle l’a fait dans le cadre de plusieurs affaires judiciaires au fil des ans. Le cas le plus récent, la décision de la Cour canadienne de l’impôt en 2020 dans l’affaire Dreger c. La Reine, concernait un fonds de revenu viager (FRV) au titre duquel le défunt avait désigné ses deux filles comme bénéficiaires. Le défunt avait accumulé une dette fiscale que l’ARC a tenté de régler, après le décès, au moyen du produit du FRV versé à ses filles.

Les filles ont avancé un argument intéressant : elles ne devraient pas être tenues responsables de la dette fiscale de leur père puisque le lien qu’elles avaient avec lui s’est rompu au moment de son décès. Elles n’ont toutefois pas réussi à convaincre la Cour de l’impôt, qui s’est prononcée en faveur de l’ARC, comme cela s’est produit dans de nombreuses autres affaires judiciaires au fil des ans.

L’issue de ces affaires suscite de sérieuses inquiétudes lorsqu’il est question du produit de l’assurance vie : l’ARC peut-elle réellement saisir le produit payable au bénéficiaire à la suite du décès du titulaire? La bonne nouvelle est que l’ARC ne peut pas confisquer le produit d’une assurance vie pour régler la dette fiscale du défunt. Voici pourquoi :

  • La Loi fait référence au « transfert » de biens à une personne ayant un lien de dépendance. Toutefois, le produit d’une assurance vie n’est pas transféré à un bénéficiaire de la même manière qu’un FERR ou un REER, par exemple. Dans le cas du produit de l’assurance, c’est la société d’assurance et non le défunt qui verse les fonds, auxquels le défunt n’aurait pas eu droit de son vivant.

  • La Loi est établie de façon à préserver la succession du défunt pour que le patrimoine puisse servir au recouvrement des impôts au moment du décès. Toutefois, si un bénéficiaire est désigné, le produit ne sera pas versé aux ayants droit.

  • Les décisions antérieures de la Cour de l’impôt indiquent clairement que le produit d’une assurance vie n’est pas soumis aux mêmes règles que celles qui s’appliquaient dans l’affaire Dreger et dans d’autres affaires semblables.

On peut donc continuer d’affirmer que le produit d’une assurance versé à un bénéficiaire ayant un lien de dépendance ne peut être utilisé par l’ARC pour régler les dettes fiscales du défunt. Contrairement aux régimes enregistrés et aux autres actifs pour lesquels cet argument ne peut pas être avancé, l’assurance vie est protégée.

Comme nous l’avons suggéré ci-dessus, il est important de faire la distinction entre le produit d’assurance versé à un bénéficiaire désigné et celui versé aux ayants droit. Lorsque les ayants droit sont désignés comme étant les bénéficiaires d’une police, le produit est à la merci de tous les créanciers, y compris l’ARC. Cela rappelle à nouveau qu’il est important, dans la mesure du possible, de désigner un bénéficiaire précis au titre d’une police.